Concevoir sa digital workplace : L’approche UX-centered qui change tout

La transformation digitale ne doit pas se résumer à un groupe d’outils numériques. Elle mérite une approche méthodique, centrée sur l’utilisateur. En tant que Designer UI, j’observe trop souvent des projets de digital workplace qui échouent par manque de compréhension des utilisateurs réels. Chaque entreprise, chaque organisation, a ses spécificités, ses habitudes, des besoins uniques. L’ignorer c’est prendre le risque de mettre en place une digitale worplace qui ne sera pas adoptée par ses utilisateurs finaux. Voici comment réussir votre projet en plaçant l’expérience utilisateur au cœur de votre démarche.
1. L’identification des besoins : Au-delà des fonctionnalités, comprendre les usages
⛔Sortir de la logique « feature »
Trop d’entreprises commencent par lister les fonctionnalités qu’elles veulent : « Il nous faut une GED, un chat, un calendrier partagé… ». Erreur fondamentale. Cette approche techno-centrée ignore la réalité du terrain. Le rôle du chef de projet, et d’interviewer l’équipe pour qu’ils se posent les bonnes questions. La question n’est pas quel développement ou quel outil voulez-vous que l’on mette en place. Non la question est quels sont les taches quotidiennes de vos employés. Quel est la spécificité de chaque service ? Décrivez nous les habitudes physiques en place actuellement…
Bref vous l’aurez compris la bonne question n’est pas « De quoi avons-nous besoin ? » mais « Comment nos collaborateurs travaillent-ils vraiment aujourd’hui ? »
💡La méthode des « Jobs to be Done »
Inspirez-vous de la méthode de Clayton Christensen. Chaque collaborateur « utilise » un outil pour accomplir un « travail » spécifique. Il faut donc comprendre la tâche que l’utilisateur souhaite réaliser et l’objectif qu’il veut atteindre.
Identifiez ces jobs, comme par exemple :
Job fonctionnel : « Je dois partager un document avec mon équipe »
Job émotionnel : « Je veux me sentir connecté à mes collègues en télétravail »
Job social : « Je dois montrer ma contribution au projet »
Cet article de La grande Ourse expose très bien cette méthode : https://lagrandeourse.design/blog/lexique-ux/la-methode-job-to-be-done-ce-quil-faut-savoir/
🕵️L’audit des pratiques existantes
Repartir de zéro c’est bien, ne pas apprendre de l’existant c’est stupide. Alors avant de concevoir, observez. Menez l’enquête. Cela vous permettra d’identifier des besoins, de remettre en doute des outils existants, de remettre en perceptive l’utilité d’autres outils.
Les outils détournés : Vos équipes utilisent WhatsApp pour les échanges professionnels ? C’est un signal fort sur leurs besoins de communication instantanée.
Les contournements : Ils préfèrent l’email au système officiel ? Interrogez-vous sur l’UX de vos outils actuels.
Les frustrations cachées : Organisez des enquêtes anonymes. Les collaborateurs n’osent pas toujours critiquer les outils en place de peur d’être mal vu ou de blesser les concepteurs.
Cette phase, est à anticiper, selon la taille de l’organisation, recueillir toutes ces informations va prendre entre 3 à 6 mois.
Définir les objectifs business alignés aux objectifs utilisateurs
Un objectif bien formulé, et surtout un objectifs qui plaira à votre direction, sera le pendant business :
Côté business : « Augmenter la productivité de 15% »
Souvent des chiffres qui font bien, sont lancés comme ça, et étonnement parfois cela suffit. Mais concrètement, quel objectif orienté utilisateur est mis en place pour atteindre cet objectif business.
Ici cela pour être :
Côté utilisateur : « Réduire le temps de recherche d’information de 50% »
La mise en parallèle de ces deux dimensions (Business vs User) est crucial pour le succès du projet.
2. L’analyse comportementale : Décrypter vos utilisateurs comme un UX Designer
Créer des personas crédibles
Créez des personas comportementaux basés sur l’usage des outils digitaux, mais pas que !
- Utilise 15+ applications par jour
- Maîtrise parfaitement les raccourcis
- Frustrée par les interfaces lentes
- Et aussi : Moteur sociale, c’est toujours elle qui propose de réserver le resto pour manger en équipe
Besoin : Efficacité et personnalisation
Marc, le « Pragmatique »
- Préfère 3-4 outils maximum
- Cherche la simplicité avant tout
- Résistant au changement
- Et aussi : Elu meilleur personne pour résumer une réunion. il est l’as pour identifier les points importants.
Besoin : Stabilité et accompagnement
Julie, la « Collaborative »
- Privilégie les échanges informels
- Active sur les réseaux sociaux internes
- Ambassadrice naturelle des nouveaux outils
- Et aussi : Lien a travers les équipes, toujours une petite attention pour chacun.
Besoin : Interaction et reconnaissance
Une digitale workplace, doit être plus que le reflet des outils de travail, il doit également être le lien, le socle de votre culture d’entreprise.
Mapper les parcours utilisateur actuels
Documentez les parcours critiques avec une précision chirurgicale :
Exemple : « Partager un document projet »
- Création du document (Word, local)
- Recherche des contacts destinataires
- Rédaction de l’email d’accompagnement
- Envoi et suivi des accusés de réception
- Gestion des versions et commentaires
Points de friction identifiés :
- Perte de temps dans la recherche de contacts
- Confusion sur les versions
- Absence de traçabilité des modifications
L’analyse des données comportementales
Si vous avez déjà des outils en place, exploitez vos données :
Métriques quantitatives :
- Taux d’adoption par fonctionnalité
- Temps passé sur chaque écran
- Parcours d’abandon
Signaux qualitatifs :
- Tickets de support récurrents
- Demandes de formation
- Feedback utilisateur
Identifier leur rapport au changement
Classez vos utilisateurs selon ses 5 grandes familles:
Innovateurs (5%) : Adoptent immédiatement, testent tout
Adopteurs précoces (15%) : Influenceurs, ambassadeurs potentiels
Majorité mouvante (35%) : Suivent les leaders, pragmatiques
Majorité lente (35%) : Sceptiques, ont besoin de preuves
Réfractaires (10%) : Résistent activement au changement
Cette segmentation orientera dans un premier temps, la mise en place de votre stratégie de déploiement (on change tous vs on y va en douceur) et surtout vous permettra d’identifier les groupes d’utilisateurs cibles à former pour qu’ensuite la propagation et l’adoption se fasse toute seule 🙂
3. Identifier un chief digital officer (pas juste un « responsable »)
La Digital Workplace nécessite un leadership fort, dans un contexte de transversalité extrême. Ce rôle dépasse la simple gestion de projet. Comme expliqué dans le site d’epitech : la transformation digitale ne se limite pas à la dématérialisation des processus ou des activités. Elle entraîne des changements culturels et des enjeux stratégiques de management.
Le Chief Digital Officer (CDO), intégré au Comité de Direction, a la responsabilité de la transition numérique de son entreprise. Il doit piloter la transformation organisationnelle en travaillant avec tous les services : opérations, RH, marketing, commercial, etc.
Mission stratégique : Évangéliser la vision, pas seulement gérer les outils
Profil hybride : sensibilité UX + leadership + ( Compétences techniques, bien que pour ce point il pourra s’appuyer sur le service informatique. )
Légitimité transverse : Doit pouvoir challenger tous les départements
4. Préparer l’adoption avec une approche Design Thinking
Co-création avec les utilisateurs finaux
Impliquez vos futurs utilisateurs dans la conception. Cela parait logique, mais ça mise en œuvre est couteuse en temps et en organisation. Mais rassurez-vous, ce ne sera pas une perte de temps ni d’argent, bien au contraire. Alors on organise et on anime :
- Ateliers de brainstorming pour imaginer l’outil idéal
- Sessions de prototypage pour tester les concepts
- Tests utilisateur sur les maquettes avant développement
Communication empathique, parlante
Votre communication doit répondre aux questions d’usage que se posent réellement vos collaborateurs :
❌ « Nous déployons une nouvelle Digital Workplace »
✅ « Comment vous aider à passer moins de temps à chercher l’information ? »
❌ « Formation obligatoire mardi 14h »
✅ « Découvrez comment gagner 2h par semaine sur vos tâches administratives »
5. Et c’est jamais fini ! Amélioration continue à la mode agile
Votre Digital Workplace n’est jamais « terminée ». Adoptez une logique d’amélioration continue :
- Sprints d’optimisation : Cycles de 4-6 semaines pour corriger les frictions
- Feedback loops : Offrez un ou des canaux pour que les remontées utilisateur
- A/B testing : Testez vos hypothèses d’amélioration, ne restez pas figé, surtout si la grande famille de vos utilisateurs est innovateurs, si c’est le cas, ils s’adapteront, et surtout si c’est pour la bonne cause !
- Retrospectives : Analysez régulièrement aussi bien ce qui fonctionne que ce qui ne fonctionne pas. De précieux apprentissage sont à tirés des réussites comme des échecs.
La digital workplace doit être vu comme un service, une fonction vitale et transversal de l’entreprise
Changez de paradigme : votre Digital Workplace n’est pas un projet avec une date de fin, c’est une fonction qu’offre votre entreprise et qui se doit de s’adapter en permanence.
Cette approche centrée sur l’user demande plus d’efforts en amont, mais garantit un taux d’adoption et une satisfaction incomparablement supérieurs. Vos collaborateurs ne subissent plus le changement : ils en deviennent les acteurs.
La vraie transformation digitale commence quand vos outils disparaissent de la conscience de vos utilisateurs… parce qu’ils fonctionnent parfaitement.